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Ahoua Don Mello : Au-delà de la lucidité et de l’opportunisme politique
16 juil. 2025, 18:08

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L’épais brouillard qui entourait l’ambition présidentielle du Dr Ahoua Don Mello est en train de se dissiper au fur et à mesure que l’on approche de l’échéance du scrutin présidentiel d’octobre 2025 en Côte d’Ivoire.

Après les bruits qui ont couru sur une rencontre avec Laurent Gbagbo au cours de laquelle il lui aurait signifié clairement son ambition, une lettre signée de ce dernier, rendue publique en fin de semaine dernière, vient confirmer ce qui se chuchotait au creux des oreilles dans le dispositif de l’ancien président. Quand on parcourt cette lettre, l’on peut conclure que la participation de l’égérie de la Russie sur le continent africain à l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire est plus que jamais certaine. À y voir de près, l’on peut dire que cette décision qui est loin d’être une surprise, est la conjugaison de deux facteurs : la lucidité qui découle d’une analyse claire du contexte politique actuel et aussi l’opportunisme, dans la mesure où au sein de la galaxie de l’ancien président, en dehors de l’hérésie ‘‘Gbagbo ou rien’’, des esprits avisés commencent à entrevoir l’avenir sans le Woody de Mama.

Dans ce méli-mélo, cette posture de Don Mello peut être cernée à partir des enseignements de deux penseurs célèbres : Sénèque et Napoléon Bonaparte. Le philosophe romain Sénèque, adepte de l’école du stoïcisme, nous enseigne que « la chance, c’est ce qui arrive quand la préparation rencontre l’opportunité » et l’empereur Napoléon Bonaparte de renchérir opportunément que « dans la vie, il ne faut pas compter sur la chance, mais il ne faut pas manquer celle qui se présente ». À la lumière des enseignements de ces deux grands hommes d’État de leur temps, l’on peut dire que Don Mello qui s’est préparé dans l’ombre, n’a fait que saisir l’opportunité de sa chance. Oui, l’on sait qu’il sera farouchement combattu par ses camarades de parti pour qui le ‘’demiurge’’ Laurent Gbagbo est le plan de A à Z du PPA-CI à l’élection présidentielle. Mais certaines de ses analyses auront un écho favorable auprès d’une frange de courtisans qui ont manifestement fait le choix de la realpolitik.

Quelques morceaux choisis de l’épitre de Don Mello à Gbagbo achèvent de convaincre qu’au sein du PPACI, les murs de l’embrigadement, de la déification et de l’endoctrinement, sont en train de tomber. Quand Don Mello soutient que « sauf cas de force majeure, empêcher la candidature de M. Ouattara est une bataille perdue d’avance » et que « si par extraordinaire M. Ouattara est empêché, le régime se régénérera avec un nouveau candidat, sans adversaire de poids en face », Don Mello appelle à une autre alternative et à envisager d’autres plans. En affirmant aussi que « seule notre désunion, l’absence d’une vision et d’une stratégie réaliste, font la force de ce régime », l’homme du Kremlin dépasse le simple cadre du PPA-CI et fait un clin d’œil à l’opposition, toutes tendances confondues. Mieux, Don Mello tire la sonnette d’alarme sur les risques d’une non-participation aux échéances électorales à venir.

Cette stratégie est l’unique condition pour éviter au PPACI, une absence à ce grand rendez-vous de l’Histoire ». Voilà donc qui est clair. Au-delà de ce gros pavé dans la marre du PPA-CI et de l’effet qu’aura cette lettre au sein de la galaxie Gbagbo, il reste évident que cet opportunisme politique de l’ancien patron du BNETD, qui ne manque pas de lucidité, va faire tache d’huile. Si effectivement Don Mello arrive à convaincre Gbagbo, cap sera mis sur le ralliement de l’autre poids lourd de l’opposition, le PDCI-RDA. L’on sait aussi de façon objective que, du point de vue de l’organisation, de l’implantation, du maillage territorial, des hommes et des moyens, il sera quasiment impossible de battre le RHDP, avec ou sans Ouattara, mais il faudra compter avec cette possible candidature de Don Mello. Pour le parti au pouvoir, il ne sera seulement pas question de battre à plate couture le candidat de substitution du PPACI.

Il s’agira de dérouler une stratégie pour contrer l’influence de la Russie dans la sousrégion ouest-africaine dont Ahou Don Mello est le missi dominici. Avoir un candidat prorusse qui ne sera pas ridicule à une élection présidentielle dans un pays hautement stratégique comme la Côte d’Ivoire, sera une victoire pour Poutine et ses thuriféraires de l’AES. Une candidature de substitution ou par procuration d’Ahoua Don Mello à l’élection présidentielle d’octobre 2025 est certes, un non-événement pour le parti au pouvoir qui part largement favori avec les faveurs des pronostics, avec ou sans Ouattara, mais audelà du cas Don Mello, c’est une page de la guerre géopolitique et géostratégique avec l’influence russe en Afrique qui va s’ouvrir. Les dés sont donc jetés, le sort est lancé.

Bernard KRA

 


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