(Reportage) Plage de Grand-Bassam: La police montée sécurise et rassure…





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Passé l’état de choc et la peur de l’attentat terroriste du 13 mars 2016 à Grand-Bassam, le tourisme sur la plage de cette cité balnéaire respire à nouveau la forme. Pour bien faire les choses, désormais une nouvelle unité d’intervention à cheval, dite «Police montée» fait partie du décor. Elle sécurise les lieux, lutte contre les divers phénomènes et recrée les liens, au grand bonheur des baigneurs, touristes et hôteliers… Nous y avons fait le constat. Reportage. 

14h GMT, dimanche 16 décembre 2018. Entrée hôtel « Etoile du sud ». Un réceptif hôtelier où les djihadistes avaient fait des victimes, à l’instar de l’hôtel « Koral Beach » puis l’hôtel-restaurant « La Paillotte », tous deux situés à proximité.

Sur la plage du réceptif, une forte affluence attire notre attention : des hommes, femmes, jeunes et enfants flânent sur le sable fin qui est à perte de vue et chauffé par le soleil, dans une ambiance conviviale.

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Certains profitent des bonnes conditions de baignades pour s’adonner à la pratique du sport ou à la méditation ; pendant que d’autres admirent l’étendue d’eau salée avec enthousiasme, font des selfies, se détendent à l’ombre des bungalows où ils s’emmourachent discrètement, loin des regards indiscrets, s’offrent de petits rafraîchissements…

Tout ce spectacle chic se déroule sous la surveillance remarquée des hommes de la nouvelle unité créée le 1er avril 2018 et officiellement présentée le 07 août de la même année, à l’occasion du défilé militaire, du 58ème anniversaire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire.

Dans le sable humide, le long de la plage, les agents, reconnaissables à leur uniforme caractérisé par le port de la culotte d’équitation, des bottes, un casque, un polo bleu, patrouillent avec des chevaux comme moyen de locomotion, guettant le moindre incident afin d’intervenir promptement.

Origine et spécificité de la cavalerie

Selon le porte-parole de la police nationale, le commissaire principal Bleu Charlemagne, cette nouvelle unité de la police, qui est un instrument de noblesse à la base, est inspirée de la cavalerie anglo-saxonne. Dans le contexte ivoirien, elle a été mise sur pied pour la surveillance des frontières maritimes, mais également pour intervenir en cas d’émeute d’une certaine ampleur.

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« Les chevaux sont mieux dans le sable. Aujourd’hui, la Côte d’ivoire fait plus de 1800 km de plage, d’Assinie jusqu’à Tabou, en passant par Sassandra. Aussi, avec les nouveaux phénomènes qui sévissent à partir des plages, des sites de rassemblement, que ce soit touristique, ou les populations lambda, vous avez vu l’attaque de Bassam. Pour toutes ces raisons, nous avons décidé d’avoir une police montée», a-t-il expliqué, dans un entretien.

Toujours selon lui, cette unité sécurise aussi les sites touristiques, les stades de football, les espaces touristiques.  Elle assure aussi la sécurisation des parcs et jardins, dans les pâtures en forêt. Elle est aussi utilisée dans le maintien d’ordre lors des cérémonies et des manifestations, pour les missions dans les endroits où les véhicules ne peuvent pas pénétrer.

Une présence bien accueillie à la plage

N’guessan Christian est photographe. Il vient régulièrement à la plage pour chercher ses clients. Après la chute de ses revenus les mois qui ont suivi l’attentat, ses affaires ont retrouvé une bonne santé financière et la présence des policiers à Cheval le rassure davantage.

«C’est une très bonne idée d’avoir fait venir la police équestre. Leur présence a réduit considérablement les agressions,  vols et autres infractions. Ils encadrent la plage, on travaille mieux. Nos outils de travail sont en sécurité», raconte le jeune photographe, tout souriant.

Durement éprouvés par l’attentat, les hôtels sortent peu à peu la tête de l’eau, après des mois sans touristes. Aujourd’hui,  la sécurité sur la station balnéaire est rassurante pour tous, constate t-on.

François Liatché Yao est directeur des ressources humaines de l’Hôtel Wharf et l’International. Il explique que la présence de la police équestre a mis les clients en confiance.

«Les clients qui étaient un peu réticents après l’attentat ont commencé à venir. Rassurés, ils reprennent confiance. Les dimanches, la plage est pleine et nous en profitons. Nous avons toutes sortes de clients, des africains, des européens», a-t-il confié.

Dans les Bungalows, la présence de la police Equestre a aussi contribué à diminuer les bagarres entre les délinquants, souligne Blé Natacha restauratrice, à l’espace Chelsea Beach. « Avant, des clients venaient et se battaient entre eux avec des couteaux. Depuis qu’ils sont là, nous ne voyons plus cela»,  a-t-elle affirmé.

Des propos confirmés par Seri Privat alias « Côte d’Ivoire», qui assurait de manière bénévole la sécurité sur la plage avant l’attentat.  « Avec leur présence (police équestre), nous nous sommes retirés de la sécurité. Nous nous sommes intéressés à d’autres activités.  Mais depuis qu’ils sont là, il n y a plus assez de bagarres, les vols, les agressions ont diminué. Une fois qu’il y a des embrouilles, ils  prennent les bagarreurs et vont les déposer au poste de police. Ils mettent les gens en confiance. Dans les débuts, quand on les voyait, on doutait qu’ils puissent être efficaces surtout sur des chevaux. Mais, il faut reconnaitre qu’ils arrivent à maintenir l’ordre avec beaucoup de professionnalisme», martèle t-il.

Konan Franck, propriétaire du «Café de Bassam», situé à quelques encablures de l’Hôtel Corral Beach se dit aussi satisfait de la présence de la police Equestre.

« Autrefois, des jeunes venaient s’arrêter devant le café. Ils faisaient des dérapages avec des motos et faisaient vrombir leurs engins. Aujourd’hui, ce genre d’embrouille a cessé. Quand ils quittent Abidjan avec les motos, on leur interdit d’accéder à la plage avec leurs engins. Donc, ils viennent à pied à partir du pont qui sépare la plage de la ville. Ensuite les policiers équestres fouillent les sacs pour chercher des armes blanches ou de l’alcool dissimulé. Grâce à cette méthode, aujourd’hui, il y a eu une satisfaction », se réjouit l’homme d’affaires.

Satisfaction au sein de la Brigade

La population n’est pas que la seule satisfaite. Les policiers aussi se réjouissent du travail qu’ils abattent.

«Avant notre arrivée, la population hésitait à venir à Bassam. Car il y avait trop d’infractions, agressions, vols, dealers de drogue, etc. Mais depuis octobre 2018 que nous sommes là, nous avons fait plus d’une dizaine d’arrestations. Depuis un mois et demi, nous n’avons plus de problèmes sur Bassam. Nous avons nettoyé la plage de tous les petits voleurs, délinquants, agresseurs, dealers de drogue », a confié un agent sous couvert d’anonymat.

« Aujourd’hui, avec les chevaux, on a réussi à arrêter tous ces gens malsains qui faisaient n’importe quoi sur la plage de Bassam, et qui incitaient les gens à ne plus venir. Grâce à notre boulot, les touristes, tous ceux qui voient la police équestre sont émerveillés», renchérit-il.

Des populations pas toutes rassurées

La présence de la cavalerie n’est pas seulement bien accueillie, elle suscite aussi frayeur et interrogations.

Aboubacar Anti vend des colliers et autres perles en bois entre 500 et 5000 fcfa aux nombreux touristes qui fréquentent la plage. Il explique qu’au regard de l’attentat, voir des policiers ici et là effraie, car on s’imagine qu’il n’y a pas encore la sécurité.

«Les policiers sont nombreux. Les gens pensent qu’il n y a pas la paix. Ça effraie. Ils sont découragés et ils ont peur de venir. Nous qui vendons, nous ne gagnons pas assez de clients», se plaint-il.

Touré Abou, un jeune informaticien, venu se détendre loin de son train-train quotidien, dit ne pas profiter de leur présence, «le problème est qu’on a l’impression qu’ils ne savent pas pourquoi ils sont là. Ils ne savent pas nager et quand il y a un problème, ils ne peuvent pas intervenir», regrette t-il.

Pour le responsable de «la Taverne Bassamoise», où trois personnes ont été tuées lors de l’attentat, rien n’a changé avec leur présence. « Ils sécurisent plus la plage et pas les hôtels…», s’est-il aussi plaint, sur un ton coléreux.

De nombreuses attentes…

A l’instar de plusieurs touristes, plagistes, François Liatché Yao, Directeur des ressources humaines de l’hôtel Wharf, souhaite que la sécurité soit plus renforcée grâce à une augmentation de l’effectif des policiers.

« Surtout les dimanches où des jeunes louent les cars venant d’Abobo [nord d’Abidjan]. Quand ils viennent ici, il y a du désordre. Il faut qu’il y ait la police surtout à cause des enfants en conflit avec la loi communément appelés ‘’microbes’’. Ils peuvent s’y infiltrer et faire n’importe quoi. Il faut qu’on renforce la sécurité. C’est notre souhait le plus ardent », lance Liatché Yao, assis à l’ombre d’un appatam.

Il est 18h, le soleil est rouge au coucher,  lorsque nous quittions cette cité balnéaire toujours sous l’œil des forces de l’ordre aux aguets du moindre incident.

lexpressionci.com

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